024-2.
Ce matin, Jukin se vole à main armée.
(suite et fin)


On le ramena chez lui avec beaucoup de déférence et 1000 excuses, ce qui ne fit qu’augmenter son courroux intérieur. Il avait déjà prévu d’exploser un des entrepôts militaires. Le gouvernement était tellement embarrassé qu’ils ne l’avaient pas reconduit à l’arrière d’une fourgonnette, comme le prévoyait la procédure de sécurité, mais en simple passager d’une jeep camouflage. Il avait ainsi pu mémoriser la route jusqu’à cette base secrète. Après avoir repoussé l’idée de vendre ce renseignement, il se prépara pour son opération.
Comme dans un film, il lança une musique rock du tonnerre et regroupa son matériel. Au sommet dramatique de la chanson, il enfila sa tenue, calé sur les gros riffs de guitare : rah ! serrer la ceinture, rah ! enfiler un gant, rah coller le scratch d’une chaussure de cuir noire à coque métallique profilée. Et pour l’accord final, il passa une cagoule.
Le jour commençait à peine à décliner, mais il voulait faire ce voyage à pied. Aucune base militaire secrète ne prévoyait qu’un homme seul débarque en pleine nuit pour l’attaquer. Ce qui lui faciliterai les choses. Il n’eut aucun mal à retrouver le chemin, et arriva juste à la nuit.

Les bâtiments étaient situés dans une cuvette désertique, derrière de nombreuses rangées de grillages et barbelés. A l’opposé de l’entrée des véhicules, il se faufila et profita d’une souplesse dorsale naturelle pour se glisser sous les barbelés. De même, il entaillait les grillages et passait dessous grâce à son talent. Tout était calme dans l’enceinte. Des gardiens à position fixe discutaient tranquillement sur les miradors et aux portes. D’autres faisaient leurs tours de garde. Des années sans intrusion avaient sûrement endormi leur vigilance et Jukin avait tout son temps devant lui.
Avec la patience d’un sage, il sortit ses tuteurs en bambou et commença par neutraliser un garde fixe. Il lui attacha ensuite un tuteur. De loin, le garde semblait toujours à son poste. Ainsi Jukin pouvait se débarrasser d’eux lentement, sans éveiller de soupçons. Après avoir étudié les déplacements des rondes, il fit de même avec les gardes mobiles. Un à un, ils furent équipés d’un bambou. Maintenant il n’y avait plus personne pour remarquer leur immobilité anormale. Il les avait tout de même mis en scène afin de laisser croire qu’ils discutaient entre eux, ce qui pouvait lui faire gagner du temps.
La base était désormais inoffensive à l’extérieur des bâtiments. Les choses sérieuses pouvaient commencer.

Il fit son petit tour afin de repérer toutes les alarmes. Finalement elles étaient maladroitement reliées au même centre névralgique. Avec du simple dentifrice, il le mit hors service. Les alarmes étaient désactivées sans qu’on puisse le remarquer. La base était coupée de l’extérieur. Il déposa quelques explosifs.
Tout était prêt. C’est alors qu’il le reconnu.

Jukin-cagoulé s’approcha d’un entrepôt. Il contenait le bâtiment où il avait été séquestré, et plus loin dans la même structure, les bureaux où on l’avait interrogé. Il découpa les gongs de la porte à l’arrière, sans même lire les instructions placardées dessus, puisqu’il n’avait plus besoin de prendre de précautions. Il pénétra avec son flingue et découvrit la zone de stockage. Tout un mobilier à son goût, des équipements électroniques dernier cri, des œuvres d’art, des jouets, une piscine recyclable… Une vraie caverne d’Ali baba en somme. Un militaire s’emmerdait, assis sur une caisse.
Sans scrupule, il le pointa de son revolver et lui ordonna de glisser dans son blouson en cuir un ordinateur portable ainsi qu’une boite du jeu ‘Dix de chute’.

Après l’avoir éliminé, il répartit d’autres charges explosives entre tous ces objets. Puis il assomma furtivement de la crosse de son arme les deux gardes qui attendaient de l’autre côté. Il arriva rapidement au coin bureau. Après avoir encore neutralisé un soldat, il observa quelque temps les militaires de garde, abrutis devant une télévision clignotante de bêtise. Ils étaient 5 dans une salle de réunion dont le mur du couloir était une grande vitre. Rapidement cette fois, il plaça des charges aux emplacements stratégiques. Déjà dehors, la commande des explosifs brillait dans sa main. Il savoura un moment le pouvoir qu’il avait, s’imaginait les flammes et le bruit. Il s’était résolu à sacrifier ces vies humaines, car en tant que soldats, ils avaient accepté d’obéir aveuglément au gouvernement, de remettre à l’armée leur libre arbitre. Ainsi ils avaient tous participé à son kidnapping, sa séquestration dans des conditions inadmissibles et son interrogatoire-torture. Mais ce n’était pas une vengeance personnelle contre ces hommes.
Accroupi derrière un buisson cramé, il appuya. La base militaire prit sa respiration et s’envoya en l’air. Jukin avait surdosé son c4. Il fut projeté en l’air par la boule de feu venant de l’entrepôt. L’ordinateur et le jeu amortirent sa chute dans un gros craquement. Ils étaient foutus. Certains soldats-tuteurs étaient désormais sur le flanc. Quand il se retourna vers le trou béant et fumant, ses esprits retrouvés, un gros bout de tôle tomba à ses côtés. C’était une plaque fixée sur le bâtiment, qu’il n’avait pas pris le temps de lire dans l’obscurité :
« Propriété privé de M. Jukin – remise de compensation pour le contentieux de l’affaire Vagal. »

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